L’ouvrage de Gérard de Sorval est l’un des meilleurs ouvrages d’hermétisme des dernières décennies. Longtemps épuisé, sa réédition était attendue. L’ouvrage propose un parcours initiatique suivant le jeu de l’Oie, jeu traditionnel très ancien qui présente, comme nombre de jeux du passé, une dimension cachée. La linéarité apparente du jeu est illusoire. Il y a simultanéité et atemporalité. De même la contrainte n’est qu’apparence, le jeu est « hasard » et la liberté demeure.
Gérard de Sorval renoue ici avec la poésie hermétiste, vecteur
classique de la transmission des arcanes d’Hermès. Une folle sagesse
accompagne l’aventurier qui s’engage dans ce jeu qui révèle les étapes
et certaines subtilités du chemin du Grand Œuvre.
« La distance, nous dit l’auteur, qui sépare la forêt gaste du jardin de
la marelle est infinie. Avant que le terme du voyage ne soit atteint, il
faut au pèlerin parcourir quatre fois les sept anneaux ; ou encore
explorer selon les sept degrés de quatre horizons ; ou encore franchir
les quatre voiles qui dissimulent l’Infini par les sept énergies
créatrices qui en émanent. Ainsi parvient-il au centre septénaire ou
l’enfant, dans son jeu, exprime la jubilation du retour. »
La langue est ici alchimique. Langue des oiseaux, elle redonne vit aux
symboles étouffés sous les concepts. Elle est aussi poésie, elle aide au
ressouvenir d’Hermès, elle fait jaillir de divins pressentiments qui
orientent quand le concept désoriente.
Ecoutons l’avertissement de Gérard de Sorval :
« Ce livre est un jeu qui s’inspire de la règle immémoriale du jeu de
l’oie. La démarche paraîtra gratuite et elle l’est.
Certains disent que le commencement de tout est une danse du dieu
créateur, qui, dans son enfance, a produit ainsi la ronde des sphères et
le jeu de l’univers.
Dès lors, toute chose vraiment futile devrait être considérée avec
gravité – ou toute chose grave avec futilité.
Ce livre propose, par un jeu, de participer à ce Jeu et de rentrer dans
la ronde.
A certains égards sa règle est celle d’une guerre sainte où l’arme du
combattant est l’amour. Pour épouser ce combat, il faut y être appelé
par une vocation claire et affirmée : il s’adresse d’abord à ceux que la
tradition universelle qualifie d’« homme noble», de « chevalier », de «
kschatrya », ou plus simplement de guerrier.
C’est aussi une voie à parcourir parmi d’autres chemins où les hommes
passent, se dépassent et trépassent. Soit dit en passant, ceux qui sont
portés à un tel voyage reçoivent tôt ou tard le don d’une carte du
chemin et d’une boussole pour s’y orienter. Les uns empochent l’une et
l’autre et n’apprennent pas à s’en servir, ou se mettent à collectionner
frénétiquement des cartes semblables en les comparant inlassablement ;
les autres étudient la carte en détail, apprennent le fonctionnement de
la boussole, et analysent savamment les moindres rouages, ou bien
échafaudent des combinaisons subtiles sur des distances indiquées et les
moyens détaillés pour les franchir.
D’autres enfin, ayant étudié, se mettent en route avec leurs deux pieds.
Ceux-là seuls avancent. »
L’expérience est supérieure à l’idée, rappelle Gérard de Sorval. Ce
livre propose une expérience, non une réflexion. Jeu d’enfant, il
s’adresse à ceux qui savent « voir » afin de jouer au lieu d’être joué.